Aujourd’hui, la quête immémoriale d’épanouissement personnel n’est plus seulement réservée aux élites. Elle est même devenue un marché, où le pire côtoie le meilleur. Ne serait-elle qu’une facette de l’individualisme ?
« Mon âme ! Quand seras-tu donc bonne et simple, sans mélange et sans fard ? (…) Quand seras-tu pleinement satisfaite de ton état ? Quand trouveras-tu ton plaisir dans toutes les choses qui t’arrivent ? Quand seras-tu persuadée que tu as tout en toi ? »
Éternel : le travail sur soi. Ces lignes, issues desPensées de Marc Aurèle, rédigées entre
170 et 180 après Jésus-Christ, nous rappellent que le développement personnel n’a rien d’un phénomène de mode, mais que ses racines historiques remontent clairement à l’Antiquité. Pour les philosophes grecs, il était logique de devoir travailler à devenir et à rester un être humain : vivre, dialoguer, maîtriser ses passions, tout cela relevait à la fois d’une éducation et d’une démarche personnelle, l’« askésis », qui désignait la pratique régulière d’exercices spirituels ou philosophiques, comme on voudra les nommer. Ainsi, « apprendre à vivre » n’avait à leurs yeux rien de choquant, et il fallait pour cela travailler à soi, comme le musicien travaille à son instrument, et pratique régulièrement et humblement ses gammes.
Moderne : la démocratisation de l’ego-building. En revanche, ce qui caractérise les visages actuels du travail sur soi, c’est sa démocratisation. Là où les pratiques antiques étaient réservées aux élites, suffisamment lettrées ou riches pour s’y consacrer, les pratiques modernes s’adressent au plus grand nombre, au travers de la presse, des émissions de télé ou de radio, des livres de « pop’psychology », et globalement de la généralisation du recours aux psys. D’où, d’ailleurs, une source intarissable de critiques de ce phénomène de la part des élites intellectuelles, adoptant volontiers une posture valorisante de dénonciation de « nouveaux totalitarismes de la pensée », mais supportant peut-être mal de voir se banaliser et se généraliser une pratique autrefois réservée à quelques-uns. Parce qu’il se serait mis à concerner le plus grand nombre, le souci de soi serait-il devenu un vulgaire narcissisme ?
Il est légitime de considérer le pharmacien de Nancy Émile Coué (1857-1926) comme le père fondateur du développement personnel contemporain. Sa célèbre méthode était fondée sur La Maîtrise de soi-même par l’autosuggestion consciente (titre de l’ouvrage dont la version définitive fut publiée en 1926), et avait pour but de développer les capacités de guérir ou de surmonter ses faiblesses psychiques en se basant sur la conviction suivante : « Toute pensée occupant uniquement notre esprit devient vraie pour nous et a tendance à se transformer en acte. » Simpliste ?
Pères fondateurs
À relire É. Coué dans le détail, on peut être tenté de réhabiliter sa mémoire : compte tenu de ce que l’on savait à son époque, ses intuitions étaient bonnes, notamment sur le rôle toxique des contenus de pensée négatifs. Même s’il a clairement surestimé le pouvoir des pensées positives à se répéter inlassablement. É. Coué fut célébré à son époque, et invité à donner aux États-Unis des conférences qui connurent un grand retentissement. Et c’est aussi aux États-Unis que des auteurs comme Dale Carnegie (son How to Win Friends and Influence People, publié en 1936, a été vendu à ce jour à plus de 50 millions d’exemplaires) ou Norman Vincent Peale (dont le célèbre The Power of Positive Thinking, publié en 1952 resta près de dix ans dans la liste des best-sellers du New York Times) exercèrent une influence considérable sur la manière de penser le développement personnel. Leurs descendants américains ou européens continuent aujourd’hui de vendre des centaines de milliers d’ouvrages (le rayon « Développement personnel » est l’un des plus dynamiques – et des plus encombrés – sur les rayonnages des librairies). Ce qui ne manque pas de susciter quelques interrogations…
Prendre de la hauteur
Les enjeux sociaux du développement personnel sont en effet importants : jusqu’où le soin de soi est-il compatible avec la morale, le bien commun, l’altruisme, l’abnégation, les renoncements nécessaires à toute vie sociale ? Une belle vie peut-elle aussi être une bonne vie ? De nombreux philosophes rappellent volontiers que le développement personnel pour lui-même est stérile et n’a de sens et d’utilité que s’il ne se fonde pas sur l’oubli des valeurs. Il appartiendra donc au xxie siècle d’élargir les objectifs du travail sur soi : ce dernier ne doit pas avoir pour but que l’ego. Car finalement, à quoi nous servirait d’être parfaits si c’est pour l’être seuls ?
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